La faune de Sologne
Hirund, Hirunda, Hirondelle !
Les hirondelles, ces gracieuses et fidèles messagères de printemps nous reviennent chaque année. Nous n’avons presque jamais appris à les reconnaître comme si elles nous étaient attachées pour toujours, depuis l’aube des temps par on ne sait quelle grâce divine ! Mais qu’en savons-nous et d’où vient leur nom ? Du latin "hirundinem" qui a donné "hirundo" puis "aronde" et "ironde". La racine grecque aurait la même signification "hir-undo". On retrouve également une origine sanscrit "har-gar" : prendre d’où découle le grec, ce qui donnerait avec le latin archaïque "hir" (la main), la main preneuse (de mouche) ; c’est ce que nous explique l’Encyclopédia Universalis. L’hirondelle a reçu au fil des siècles et des régions nombre d’appellations dont voici quelques unes : aronde, arondelle en Berry, airondelle en Bourgogne, hyrunda, ysrundella, randola en Provence, arondiele en Hainaut, gwennel en Breton, gwennol en Gallois et fannal en Irlandais.
Avant de vous livrer quelques histoires à leurs sujets, voici quelques portraits que vous reconnaîtrez sans peine.
Crédit photo : Céline Bernard
L’Hirondelle rustique : 16 à 22 cm de long, 32 à 34 cm d’envergure, le tout pour 17g. On l’appelle communément Hirondelle de cheminée ou domestique, car elle nichait dans les anciennes grandes cheminées – fumoirs, ce qui peut encore se voir en Bretagne.
Le dessus du plumage est bleu-noir et offre des reflets métalliques qui contrastent avec le ventre blanchâtre lavé de roux. La silhouette fine et gracile apparaît encore plus élégante avec les filets de la queue fourchue très apparents et plus longs chez le mâle. Son front et sa gorge sont soulignés de brun rouge. Une bande pectorale sombre la distingue en vol de sa cousine l’Hirondelle de fenêtre, tout comme l’absence de croupion blanc.
Bien qu’on la trouve partout en France, ses effectifs sont en déclin dans la majeure partie des pays d’Europe. Elle évite cependant la haute montagne et les régions arides. L’hirondelle est attachée à l’homme, on la trouve malgré tout plutôt dans les villages que dans les villes. Elle a besoin de pâturages, de prairies, de bocages, de marais, d’étangs, de cours d’eau qui sont tous propices au développement d’insectes, ainsi qu’à la présence de boue au moment de la construction du nid. Pour choisir l’endroit d’où s’envolera la nichée, l’oiseau préfère prospecter dans les étables, écuries et autres bâtisses dans lesquelles elle trouvera des poutres ou solives sur lesquelles elle fixera sa construction et qui conservera une ouverture toute la saison. Le studio que se concocte notre amie ressemble à une coupe d’environ 22 cm de diamètre et pas plus d’une dizaine de cm de profondeur. Il est fait de brindilles sèches, cimentées par de la boue fine. On y trouve également une garniture intérieure faite de plumes dont le must semble être le duvet de poule, blanc et pur, récupéré en vol de préférence. Si tout va bien et que dame météo donne sa juste mesure, l’opération peur s’achever en 8 jours, mais bien souvent, avant d’entreprendre un nouveau chantier, nos bâtisseuses iront d’abord en quête d’un nid existant pour n’avoir que quelques menus travaux de rafraîchissement à accomplir. Les nids d’hirondelles comptent parmi les constructions animalières les plus solides.
La "Hulotte", le journal le plus lu dans les terriers, nous cite un nid vieux de 48 ans, qui aurait hébergé 2 à 3 centaines de petits ! Il existe aussi des nids insolites comme celui-ci observé dans une cabine de tracteur remisée, ou encore bâti sur l’abat-jour d’une lampe suspendue ou, enfin, celui découvert maçonné au col d’un bidon de lait suspendu à un clou à 1,80m du sol !
Après le nid, la ponte. Elle a lieu de fin avril à juin, elle sera suivie d’une seconde après l’envolée de la première nichée. Seule la femelle couve. Grâce à sa plaque incubatrice ventrale dégarnie de plumes, elle assure une température constante. Elle ne s’absente que pour de courtes périodes afin d’assumer sa subsistance. Les échecs de couvaison ne sont pas rares, les œufs sont alors abandonnés ou éjectés. Les jeunes qui s’éveillent à la vie ne sont pas pour autant tirés d’affaires. Que les conditions météo se détériorent, raréfiant la nourriture en faisant tomber la température, et des nichées seront alors perdues. Passé le cap des 22 grammes, vers le 13ème / 15ème jour, les jeunes seront enfin prêts à l’envol. Les parents les nourriront quelques temps encore (jusqu’à plusieurs centaines de fois par jour tout de même ! ) passeront la nuit auprès d’eux jusqu’à les forcer au premier envol vers le 20ème jour. L’émancipation se fera alors vers le 35ème jour. Les jeunes hirondeaux rejoindront alors l’escadrille d’acrobates hors pair et nous réjouiront de leurs vols tantôt planant, tantôt virant promptement sur l’aile, montant et descendant jusqu’à raser la surface de l’eau, bec ouvert pour engloutir toutes les petites créatures délicieuses, pour ensuite faire résonner leur cri de contact incessant "vitt ! " ou "tsivitt ! ".
Qu’en est-il maintenant de l’Hirondelle de fenêtre ?
Quelques mensurations en guise de visite : 12 à 13 cm de long, 26 à 29 d’envergure, le tout pour 15 à 21 g. C’est son croupion blanc pur qui la distingue de sa cousine rustique, ainsi que sa queue simplement fourchue et sans filet. Toute la face ventrale est blanche, la tête, le dos et les ailes sont noir-bleu. Elle se retrouve partout en Europe, en Afrique du nord-ouest et en Asie du nord, mais pas en Amérique. Son habitat est comparable à sa cousine et on la retrouve également en montagne. Entre les périodes de reproduction, les Hirondelles de fenêtre se retrouvent en dortoir dans les arbres, contrairement à sa parente domestique qui préfère les roselières. Son nid, toujours abrité par un toit, une corniche ou un surplomb, est plutôt arrondi avec une ouverture circulaire dans la partie supérieure. Bonne tactique pour repousser les intrus ! Les matériaux utilisés sont comparables à l’Hirondelle de cheminée mais il n’est pas rare que la construction prenne un caractère communautaire, ce qui épargne les efforts à toutes.Dans la plupart des cas, il n’y aura qu’une seule ponte de 3 à 5 œufs, vers le début mai. Il faut compter presque 6 semaines pour arriver à l’émancipation des jeunes, c’est pourquoi, il est peu fréquent de voir une seconde nichée. Et quand reviendra le jour du grand départ vers les quartiers d’hiver, ce sont elles qu’on voit rassemblées sur les fils électriques, comme des notes de musique ! Et s’en sera fini de leur vol gracieux, plus calme que celui des Hirondelles rustiques.
Et maintenant, si je vous parle d’un "Sand martin" ou "Topino" ou "Shoodoo tsubame", me croirez-vous si je vous dis qu’il s’agit de l’Hirondelle de rivage anglaise, italienne ou japonaise ? C’est la seule à dos brun, plus petite que sa belle cousine rustique. On la distingue aisément à sa courte queue à peine échancrée, à sa gorge et son dessous blanc-crème. Elle doit son nom aux milieux qu’elle affectionne, les milieux humides où existent des falaises, ou berges de rivières abruptes à granulation fine, pas nécessairement très hautes. Ces milieux sont souvent instables, ce qui entraîne une fluctuation des effectifs nicheurs de France. Elle niche en colonie parfois dense, jusqu’à 700 couples ! Elle creuse un trou circulaire et horizontal qui peut mesurer jusqu’à un mètre de profondeur. Si vous êtes curieux, vous en verrez le long du Cher ou sur les bords des gravières le long de la Loire. Leur nichée sera unique dans le nord du pays et doublée plus au sud. Si tout va bien, 4 à 5 jeunes rejoindront le groupe, dans les roselières à la veille du grand départ pour l’Afrique. Avant leur éclipse hivernale, on se régalera de leur voltige, au ras de l’eau, sautillante à la manière des papillons. Comme eux, elle ne vole presque jamais à grande hauteur, et il faut parfois être perspicace pour la repérer parmi un groupe d’Hirondelles rustiques.
Comme nous l’avons vu, nos trois gracieuses sont migratrices, elles vont nous quitter vers les mois de septembre et octobre. Nous savons quels sont les dangers qui guettent ces fragiles escadrilles. D’abord l’homme qui tend à faire disparaître les prairies au profit de cultures abondamment arrosées d’insecticides qui réduisent d’autant la ressource alimentaire des oiseaux. Le froid tardif après le retour de migration qui menace les nichées. Les prédateurs parmi lesquels le Moineau figure en bonne place en qualité de voleur de nid, où le Lérot qui se faufile le long des poutres pour dévorer les nichées. Aussi l’homme leur ferme des fois l’accès aux sites de nidification pour cause de salissures.
Il nous faudrait encore des lignes pour raconter toutes les légendes qui se sont transmises au fil du temps et des cultures, mais savourons quelques vers de Lamartine : "Déjà la première hirondelle, Seule être aux ruines fidèle, Revient effleurer nos créneaux, Et des coups légers de son aile Battre les gothiques vitraux Où l’habitude la rappelle."[…]
Armelle Courant