La faune de Sologne
La Pie-grièche écorcheur
La Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio)
La Pie-grièche écorcheur, souvent postée bien en évidence, est facile à détecter. Le mâle est impossible à confondre avec son dessus brun rougeâtre et son masque noir. La femelle et les juvéniles sont de couleur plus neutre et uniforme.
Bien qu'appartenant aux passereaux, la Pie-grièche écorcheur se rapproche plus des rapaces par ses mœurs.
Le chant sonore, plein d'imitations, passe facilement inaperçu.
La Pie-grièche écorcheur est une espèce migratrice transsaharienne. Elle arrive aux alentours de début mai sur ses sites de reproduction. Les retours vers l'Afrique ont lieu entre fin août et mi-septembre. Mais saviez-vous que la Pie-grièche écorcheur est une migratrice originale ? Elle n'emprunte pas le Détroit de Gibraltar comme l'essentiel des migrateurs d'Europe de l'Ouest. Elle n'emprunte ni la route de Sicile, ni ne traverse la Méditerranée directement. C'est une migratrice orientale. Toutes les Pie-grièches écorcheurs, même celles nichant en Espagne, se concentrent en Grèce avant de traverser en direction de l'Egypte, pour le plus grand bonheur des Faucons d'Eleonore, dont, miracle de la nature, les petits naissent à la fin de l'été et s'en font un véritable festin. D'Egypte, la Pie-grièche écorcheur se dirige sans hésiter vers le désert du Kalahari. Le retour ne s'effectuera pas par la même route (autre originalité notable) : la Pie-grièche écorcheur suivra la côte orientale de l'Afrique, traversera la péninsule arabique et Israël avant de réintégrer l'Europe par la Turquie et d'arriver en France en mai.
L'habitat de la Pie-grièche écorcheur se caractérise par la présence d'un milieu ouvert (prairies de fauche, pâtures, talus enherbés, lande…) riche en insectes de taille moyenne à grande. Il faut également la présence ponctuelle de buissons, surtout épineux, comme le Prunellier, la Ronce ou l'Aubépine. Dans les régions de bocage ce passereau atteint localement des densités encore fortes : 5 à 7 couples aux 50 ha, même si généralement on constate plus volontiers une densité d'un couple pour 50 ha. La taille des parcelles influe beaucoup sur la densité des oiseaux.
La Pie-grièche écorcheur chasse à l'affût à partir de perchoirs. Les proies qu'elle capture (gros insectes, petits oiseaux ou micro-mammifères) sont régulièrement empalées sur des épines ou des fils de fer barbelés, d'où le nom "écorcheur". Ces "lardoirs" lui servent de garde-manger et permettent aux oiseaux de dépecer ou stocker leurs proies pour les jours difficiles.
Les Insectes jouent un rôle prépondérant dans son alimentation. Il s'agit surtout de Coléoptères et notamment de Carabidés (scarabées), mais aussi d'Hyménoptères (guêpes et abeilles), d'Orthoptères (sauterelles et criquets) et dans une moindre mesure de Lépidoptères (papillons).
Le territoire est petit : en moyenne 1,5 ha suffisent à un couple. Le nid plutôt massif, fait de racines et d'herbes sèches, situé à environ 2 mètres au-dessus du sol, est édifié par les parents. La ponte peut débuter dans la deuxième décade de mai. Elle culmine vers la fin de ce mois et au début de juin. Quatre à six œufs teintés gris-vert s'ouvriront après deux semaines de couvaison pour livrer passage à des oisillons sans duvet à la peau orange. Pendant deux semaines au nid, puis trois autres dans la nature, les parents nourrissent les jeunes.
Les statuts de protection et de conservation pour cette espèce sont l'inscription en Annexe I de la Directive Oiseaux et en Annexe II de la Convention de Berne. Au niveau européen, elle est considérée comme en déclin. Au niveau français, l'espèce est également considérée comme en déclin, mais ne figure que sur la liste orange.
La population européenne est estimée à environ 3 à 5 millions de couples. En France, 160 000 à 360 000 couples se reproduiraient. L'intensification agricole est une cause majeure de disparition de l'espèce en France.
Pour préserver l'espèce, il conviendrait de favoriser le maintien ou le retour d'une agriculture extensive, de conserver des prairies de fauche, des zones herbeuses diverses, des pâturages. Le malheur de la Pie-grièche écorcheur est d'être l'adepte d'une nature jugée "ordinaire" et qui ne fait donc pas l'objet d'une protection particulière. En effet, le milieu préféré de cet oiseau est issu de la polyculture traditionnelle à dominante pastorale avec des prairies extensives et surtout de nombreuses haies, buissons et arbres isolés. A cet égard, la Pie-grièche écorcheur est un très bon indicateur de la qualité écologique d'un milieu : peu de pesticides et une biodiversité encore forte. Il faudrait soutenir les agriculteurs pratiquant l'élevage ovin ou bovin dont l'activité maintient en état des zones favorables à cet oiseau.
Dans le futur, alors que l'on assistera à une élévation des températures moyennes – plutôt favorables à des espèces comme la Pie-grièche-, ces dernières ne montrent pas de tendance à l'augmentation. Au contraire, la plupart d'entre elles sont en mauvais état de conservation. Chez nous, en Europe, les causes de ce déclin sont probablement liées à la baisse globale des insectes et à l'arasement des haies et la simplification de l'habitat de ces oiseaux. C'est peut-être en Afrique, pendant l'hivernage que l'espèce migratrice souffre le plus, de même que pendant son voyage migratoire. La désertification des zones sahéliennes joue peut-être un rôle négatif également.
En Sologne, l'espèce avait pratiquement disparu dans les années 80. Elle semble remonter et plutôt être même en progression (à cause de la déprise agricole) mais cela ne va durer qu'un temps car après la déprise agricole, le milieu évolue défavorablement pour l'espèce.
La Pie-grièche écorcheur est surtout présente dans les zones ou il y a encore des pâtures à bovins, des prairies de fauche et des buissons épineux. On peut estimer la population de Sologne et du Loir-et-Cher à quelques dizaines de couples.
Vous pouvez l'observer, par exemple, le long de la petite route qui amène du village de Saint-Viâtre à l'étang de la Grande Corbois, où encore plus facilement dans la vallée du Cher, au nord de la Chapelle-Montmartin et aux prairies du Fouzon à Couffy.