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Ramdam pic et pic et drame

Début février, mon attention est attirée par le tambour vigoureux d’un pic. Au rythme du martelage j’en conclus que c’était un Pic épeiche. Le balayage à la jumelle du tronc d’arbre probablement soumis à cette torture me conforte dans ma conviction. L’oiseau est magnifique, c’est un mâle que je reconnais bien à sa tache rouge derrière la nuque, à son bas-ventre rouge. Il y met de l’ardeur, le bougre. Il marque son territoire et qu’on se le dise aux alentours ! Sa manifestation instrumentale débute très tôt, dès la fin janvier, et peut se poursuivre plusieurs mois. De la grisaille de l’aube au crépuscule, de janvier à mai, vous pouvez l’entendre martyriser les arbres au rythme de 6 à 12 coups en un peu moins d’une seconde. Il est audible dans un périmètre d’environ 800 mètres. Le rythme moyen est de 6 tambourinages à la minute, ce qui peut représenter, en une journée, 500 à 600 martèlements pour un mâle non accouplé : quelle vigueur !

 
Revenons à notre pic ; alors qu’il est tout entier à son marquage de territoire, à moins que ce ne soit un appel à sa blonde, voilà que surgit un autre pic, manifestement incommodé par sa présence. Il s’agit encore d’un mâle. Et la bagarre commence ! Les deux oiseaux entament une course poursuite d’un arbre à l’autre, avec énergie et force cris, et les coups de becs pleuvent bon train. J’imagine sans peine le dialogue des deux énergumènes : "dégage, tambour d’opérette ! J’étais le premier ! ", "va donc, opérette toi-même, t’as vu à quel clown tu ressembles, avec tes zébrures pas nettes ! ", "zébrures ou pas, y’a pas à manger pour deux ! Dehors, ou je te refais le costume ! ".

J’apprendrai, dans le "Géroudet", que ces querelles peuvent avoir plusieurs significations ; elles s’adressent aussi bien au congénère indésirable qu’au futur partenaire. La hargne que tout pic nourrit à l’égard de son semblable est toujours latente : la menace ou l’attaque vise à éloigner de sa personne ou de son fief n’importe quel individu de son espèce. Mais l’instinct nuptial intervient, et le conflit de ces tendances opposées préside à la rencontre des sexes qui stimule peut-être le tambourinage.

Le ballet que viennent de m’offrir ces deux créatures a bien duré quelques minutes, et le froid mordant de ce début février me rappelle à la réalité. Mes doigts tout engourdis et encore cramponnés aux jumelles me font souffrir. Je poursuis mon chemin et quelques kilomètres plus loin, c’est un petit Pic épeichette qui me saluera. Il est de la taille d’un Moineau domestique, au plumage barré transversalement noir et blanc sur le dos. Il se nourrit sur l’arbre qui borde le chemin, mais ne semble pas encore préoccupé par son tambour. Il est en compagnie de Mésanges à longue queue encore en ronde, et leurs gracieuses évolutions, accompagnées de menus cris me réjouissent encore. Sans être allée bien loin, mais en ouvrant l’œil, voilà comment il est possible de se régaler du spectacle permanent de la nature !

Si vous aussi, avez vu de telles scènes, je vous propose, si vous souhaitez que nous en sachions un peu plus et que nous en fassions profiter tout le monde, de communiquer vos données à SNE. Contactez Eva Sempé à l’association ou venez à une de nos sorties… et grand merci d’avance !

Armelle Courant